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La Déclaration d'Alamût
(Mowlana Alazikrihis-salâm)
8 août 1164

Le dix-septième jour du mois de Ramazân de l'an 559 de l'hégire (8 août 1164 A.D.), sous le signe de la Vierge, le soleil étant dans la constellation du Cancer, l'Imâm ordonna qu'une chaire (minbar) fût dressée face à l'ouest, sur l'esplanade d'Alamût. Quatre étendards furent fixés respectivement à chacun des quatre angles de la chaire. Les compagnons du Khorassan furent placés à droite de la chaire. Ceux de l'Irâq persan prirent place à gauche. Les Daylamites et les compagnons du Rûdbar furent placés juste en face. Au milieu, face à la chaire, on dressa une estrade et le faqîh Mohammad Bostî reçut l'ordre de se tenir sur cette estrade. Vers l'heure de midi, le grand-maître (Khodâvand) 'alâ dhikri-hi's-salâm ayant revêtu une robe blanche et coiffé un turban blanc, descendit du château-fort d'Alamût. Il aborda la chaire par le côté droit, et en gravit les degrés avec lenteur et majesté. A trois reprises, il exprima ses salutations: une première fois aux Daylamites en face de lui, une seconde fois en se tournant à droite, une troisième fois en se tournant à gauche. Un moment, il resta assis sur ses talons. Puis il se mit debout, passa le baudrier auquel était suspendue son épée, et à voix haute lut cette proclamation:

"Debout! car le Jour de la Résurrection s'est levé. L'attente du Signal est désormais comblée. Voici levée le Résurrection (Qiyâmat) qui est l'aboutissement de toutes les résurrections. Aujourd'hui, il n'y a plus à quêter les preuves ni les indices; aujourd'hui la Connaissance ne dépend plus des Signes (des versets d'un Livre révélé), ni des discours, ni des symboles, ni des actes de dévotion ployant les corps. Aujourd'hui, les actes et les paroles, les signes et les symboles, ont abouti au terme de leurs termes. Celui qui a contemplé de ses yeux l'Essence (dhât) en personne, celui-là a contemplé de ses yeux la totalité des signes et des indices de toutes les Révélations, tandis que ce qu'il en connaissait par des noms et des qualifications, en était l'envers et l'inverse, ce qui était encore caché sous un voile."

"O vous, les êtres qui peuplez les univers! Vous, génies, hommes et anges! Sachez que Mawlâ-nâ (notre Seigneur) est le Résurrecteur (Qâ'im al-Qiyâmat). Il est le seigneur des êtres, il est le seigneur qui est l'existence absolue (wojûd motlaq), excluant ainsi toute détermination existentielle, car il les transcende toutes. Il ouvre la porte de sa Miséricorde, et par la lumière de sa Connaissance, il fait que tout être soit voyant, entendant, parlant, vivant pour l'éternité."

"A celui qui sait, il incombe de Le louer et de Le remercier, bien qu'Il transcende tout cela, car il est Celui qui est à lui-même sa louange, Celui qui par son essence est le Connaissant."

"Après cela, l'Imâm prononça une première exhortation. Puis il donna lecture de la copie de l'épître commençant par ces mots: "Nous sommes le toujours existant au présent..." Alors il prononça le premier prône. Puis il s'assit un moment, se leva de nouveau, et prononça le second prône."

"Après cela, le faqîh Mohammad Bostî se tint debout sur son estrade, faisant face à la chaire, et lut la traduction de ces prônes et de la grande épître d'un bout à l'autre. Pendant tout le temps de cette lecture, le grand-maître resta lui-même debout.

Quand la lecture fut achevée, il descendit de la chaire et récita la Prière liturgique comportant deux inclinations successives (rik'a), comme il est d'usage les jours de fête solennelle."

"Toute la journée se passa en félicitations, congratulations et autres manifestations d'allégresse. Le cou des croyants avait été libéré des entraves et des chaînes de la Loi."

"Ce même jour, ordre fut donné que la fête soit célébrée à Mu'minâbâd du Qohestân et partout ailleurs. Avec l'aide de notre Seigneur le Résurrecteur (le perpétuellement subsistant), j'écrirai quelques chapitres sur la date de la Grande Résurrection que les prophètes et les Sages avaient déterminée, sur tout ce qu'ils en avaient annocé et les symboles sous lesquels ils y avaient fait allusion. En outre, le texte du prône béni avec sa traduction et son commentaire, sous la forme dont tout cela est venu à la connaissance de cet humble serviteur de la Da'wat qui est notre guide, - tout cela sera inséré dans ces chapitres, Dieu voulant, Mawlâ-nâ!"

Henry Corbin: "Huitième centenaire d'Alamût", Mercure de France, février 1965, p.286-304.


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