Aga Khan - Annexe a l'entrvue dans Jeune Afrique - Heritage
Jeune Afrique: Annexe a l'entrevue.

Deux groupements se partagent le monde musulman: les sunnites et les chi'ites.

Les ismaéliens, qui forment une secte de l'islam, sont une branche des chi'ites. On sait qu'après la mort du Prophète, quatre califes se succédèrent à la tête de la communauté musulmane: Abou Bakr, Omar, Othman et Ali. En 675, après l'affrontement à Siffin, qui opposa Ali et Moawiya, le futur calife, l'islam se scinda en trois: les sunnites, les kharidjites et les chi'ites. Les sunnites, qui constituent la majorité actuelle, sont les musulmans orthodoxes, légalistes et littéralistes, partisans de la Sunna, la tradition du Prophète. Ce sont ceux de la religion "en clair". Les kharidjites, les dissidents, estiment qu'Ali avait douté de lui-même. Ils sont partisans de l'Imam Impeccable, "fut-il même esclave noir". Ils ne sont plus aujourd'hui que quelques dizaines de milliers, surtout dans l'Oman arabique, au Mzab algérien, à Djerba, ainsi qu'en Tripolitaine et à Zanzibar. A la mort du calife Yazid, ils se divisèrent en sectes secondaires, notamment celle des Azraquites, des cofrites et des ibadites. Les chi'ites (la chia signifie le parti) sont les partisans d'Ali, cousin et gendre du Prophète, dont l'inspiration de droit divin est passée aux imams ou guides spirituels.

Les chi'ites se divisent en duodécimains - rappelons ici que le chi'isme duodécimain devrait devenir religion d'Etat, en Iran, sous les safavides, au XVIe siècle - qui croient à l'existence de douze imams, dont le dernier, Mohammad, disparut après 873 - et en septimaniens ou ismaéliens. Les ismaéliens, ou ismaïliya, empruntent leur nom à l'imam Ismaïl, fils du sixième imam, Jaafar Sadiq, mort en 148 (Hégire) - 765 après J.C. Leur doctrine est basée sur le nombre 7.

La doctrine des ismaéliens, qu'on appelle aussi les Batiniya, ceux du sens caché, ésotérique, repose en gros sur le système d'émanation de l'Encyclopédie philosophique des "Frères de la pureté", ouvrage composé au Xe siècle par un groupe de savants musulmans. Pour eux, le Prophète Mohammad n'est pas le sceau des Prophètes et le Mahdi viendra parachever son oeuvre. L'initiation à la doctrine, comportait sept degrés. Le Da'i, ou missionnaire, gagnait le sixième degré.

Le chi'isme repose sur le principe de l'imamat qui réserve à Ali et à ses descendants le droit de diriger la communauté musulmane. L'imam, ou guide spirituel, est un docteur, investi pas désignation divine, qui continue la mission du Prophète. Les imams détiennent des connaissances secrètes qu'Ali aurait reçues du Prophète et qu'il se transmettent les uns aux autres. Les chi'ites pratiquent l'exégèse symbolique du Coran et du Hadith (les traditions). A la croyance aux Imams, sixième pilier pour les chi'ites, s'ajoute une idée messianique. L'imam caché, qui doit réapparaître à la fin des temps, se confond avec celle du Mahdi, dont tous les musulmans attendent la venue. L'imam constitue la seule autorité qualifiée pour fixer l'interprétation de la Loi.

On sait que l'ismaélisme donna lieu à l'ample mouvement de réforme et de justice égalitaire attaché au nom des karmates, qui après avoir secoué la Syrie (901-906), a marqué le monde musulman du XI au XIIe siècle. Passant du Yémen au Maghreb, il aboutit à l'établissement du califat fatimide. C'est en effet le quatrième imam ismaélien qui fut le premier calife fatimide: Obaid-Allah. Des ismaéliens fatimides naîtront plusieurs sectes extrémistes initiatiques: les druzes (en Syrie, les mostaliens (en Inde et en Afrique orientale), les Nizaris (Iran et Syrie aux XII-XIII siècles), les Noçairis (les Alaouites actuels de Syrie). Des ismaéliens également dérivent le mouvement syncrétiste d'Akbar, souvenir mongol de l'Inde, le "babisme", du nom de son Prophète, le Bab (la Porte), qui substitua sa doctrine de revendication sociale à la révélation du Prophète. C'est du "babisme" enfin que naîtra le béhaïsme, religion universelle n'ayant plus que fort peu de rapport avec l'islam fondée par un disciple du Bab, Beha Ollah, mort en 1892.

L'invasion mongole de 1256 détruisit la puissance des ismaéliens de Perse, mais, dans l'Inde, ils conservent leur puissance, sinon religieuse, du moins économique et forment la secte des Khodjas, une branche des Mostaliens. Le chef des Khodjas est l'actuel Agha Khan, leur quarante-neuvième imam.

L'influence de l'ismaélisme sur la pensée et la littérature arabes a été considérable. On lui doit la création des corporations basées sur un rituel initiatique dont s'est inspiré, en Occident, le Compagnonnage.

Au point de vue scientifique, l'ismaélisme, dont la doctrine, proche du motazélism, niant les attributs divins, accordait la prépondérance à la raison, a présidé à l'adaptation du vocabulaire arabe à des données techniques d'origine étrangère, surtout hellénistique.