Prince Aly Khan Aga Khan

PRINCE ALI KHAN
L'amertume d'une vie rêvée

POINT DE VUE (5 AOUT 1997)

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Fils de l'Aga Khan III, Ali connut l'existence chic et bohème des héritiers qui n'ont rien à prouver. Il aurait bien aimé montrer qu'il était autre chose qu'un prince de la jet set, mais le destin en décida différemment.

Le 12 mai 1960, Lorraine Bonnet donne un grand dîner dans sa propriété de Ville d'Avray. Elle attend André Maraux, le baron et la baronne Guy de Rothschild, Stavros Niarchos, Porfirio Rubirosa, monsieur et madame Arturo Lopez-Willshaw, la princesse de Polignac, et le prince Ali Khan... Il n'arrivera jamais. Au volant de sa Lancia, dans la côte de Suresnes, il vient de percuter une Aronde. Transporté d'urgence à l'hôpital de Saint-Cloud, il ne survivra pas à ses blessures. Sa passagère aura plus de chance. De l'amas de ferraille, une frêle silhouette parvient à s'extirper. En robe du soir, la jeune femme titube dans la nuit et appelle au secours. Elle est sublimement belle et terriblement pathétique. C'est le mannequin la plus célèbre de l'époque, Bettina.

Depuis ce drame, elle n'a jamais fait le moindre commentaire sur sa relation avec le fils de l'Aga Khan. Repliée sur son chagrin, puis drapée dans une discrétion qui l'honore, Bettina a toujours voulu préserver l'intimité d'un homme dont la presse avait depuis la naissance largement commenté les plus infimes faits et gestes. Mais comment son existence luxueuse et mouvementée n'aurait-elle pas excité la curiosité des plus blasés?

Le prince Ali Khan avait tout pour séduire. Il cumulait les qualités qui font chavirer les femmes, et rendent admiratifs, voire jaloux les hommes. La richesse, tout d'abord. Son père, le quarante-huitième Aga Khan, régnait sur une communauté religieuse de quinze millions d'âmes. Répartis principalement en Inde, ses fidèles, les ismaéliens, avaient coutume de lui verser chaque année une dîme. Cet argent était réinvesti dans la construction d'hôpitaux et d'écoles, mais l'Aga Khan avait tout de me de quoi largement subvenir à ses fastueux besoins, entretenir l'une des premières écuries de course et couvrir de bijoux ses épouses successives.

La richesse engendre souvent la nonchalance. Ali en était passé maître. Son élégance était toujours un peu négligée, mèche et bataille, léger embonpoint et cravate chiffonnée. Mais cette apparente désinvolture, associée à un sourire doux et parfois mélancolique, avait le don de faire fondre les femmes. Aucune ne résistait dès qu'elle croisait le regard sombre du prince des Mille et Une Nuits.

A vingt ans, Ali est un jeune playboy qui skie à Gstaad, conduit les hors-bords en Méditerranée et chasse à courre en Angleterre. C'est là qu'il rencontre sa première épouse, Joan Yarde Buller n'hésite pas à divorcer su très honorable Thomas Loel Guinness pour se précipiter dans ses bras. Le mariage est célébré le 18 ;mai 1936. La même année naît un fils, Karim, suivi en 1938 d'un deuxième, Amyn. Le couple semble heureux, mais la déclaration de guerre bouleverse cet équilibre apparent. Ali s;'engage dans les Forces Alliées et part pour le Moyen-Orient, où il effectue des missions de renseignements. Au Caire, le parfum d'aventures, de sensualité trouble, ne le laisse pas indifférent... L'Angleterre semble si loin. Joan ne parvient pas à reconquérir et le couple divorce en 1941.

Ali rejoint la France, lors du débarquement en Provence. La Riviera a encore bien du charme et le prince retrouve très vite ses repères, entre l'Hôtel de Pris à Monaco et l'Eden-Roc. A la sortie de Golfe-Juan, il tombe sous le charme d'une villa blanche en bordure de mer et l'achète. Le château de l'Horizon devient le rendez-vous de toute la jet set de l'après -guerre, bien décidée à faire la fête. Et aussi, surtout, le cadre de la nouvelle histoire d'amour que vit Ali auprès de l'actrice américaine Rita Hayworth.

Lorsqu'il la voit, un soir de gala, traverser la salle de bal du Palm Beach, son coeur chavire. Dans l'ombre, pique-assiette le plus célèbre de la Côte, Elsa Maxwell, savoure sa victoire. C'est elle qui a fait en sorte que ces deux personnages de'exception se croisent... Le plus beau coup de sa carrière mondaine! Ali reconnaît la femme qui l'a hantée depuis qu'il l'a découverte sus les écrans de cinéma du Caire. Il s'était alors juré de la séduire et va tenir sa promesse.

Ali invite Rita Hayworth au Château de l'Horizon, lui fait une cour empressée, l'emmène à Séville. Rita se méfie, elle n'a eu jusqu'à présent que des expériences malheureuses. Elle repart aux Etats-Unis, il la poursuit, ils deviennent amants, le scandale s'empare de leur idylle, mais finalement le conclut par un mariage. Le 27 mai 1949, le petit village de Vallauris se transforme en décor d'opérette. Sous les lampions et devant une goule en liesse, Ali et Rita font leur apparition dans ;une Cadillac blanche décapotable. Elle porte une robe de mousseline de soie bleue de Jacques Fath et une grande capeline. La réception qui suit a lieu au Château, transformé en villa hollywoodienne. Trente mille roses décorent l'endroit. Dans la piscine où flottent des couronnes d'oeillets blancs en forme de A de M (pour Margarita), on a versé quatre cent cinquante litres d'eau de Cologne! Huit chefs ont préparé les buffets, cinq camions ont apporté champagne, caviar, langoustes et autres mets raffinés... L'Aga Khan n'est pas ennemi du faste, mais cette débauche de luxe le gêne. Il désapprouve cette cérémonies spectacle. Pourtant, il est sous le charme de Rita. Agée de trente et un ans, l'actrice est alors au sommet de la gloire. "La déesse de l'amour" comme l'a surnommée Life, est devenue une star internationale, grâce au film Gilda.

Mais Rita n'est pas la femme que l'on voit sur les écrans. En épousant Ali, elle n'aspire qu'à une chose: une vie de famille, loin des plateaux de tournage. La naissance de Yasmina le 28 décembre 1949 comble cette attente. Mais Ali a épousé une star et tient à ce qu'elle le reste. Pas question de s'enfermer dans un chalet à Gstaad ou un appartement bourgeois à Paris, quand il y a tant de fêtes à Londres, à New York ou sur la Riviera. Le malentendu ne tardera pas à apparaître. Rita le connaît bien et l'accepte: "Ils étaient tous amoureux de Gilda... mais c'est auprès de Rita qu;'ils se réveillaient." Elle rentre aux Etats-Unis, tandis qu'Ali trouve auprès de l'actrice Gene Tierney le parfum superficiel et léger qui manquait à Rita. Le divorce est long, douloureux, entrecoupé de tentatives de réconciliation et de disputes pour la garde de Yasmina. Finalement, l'enfant restera auprès de sa mère. Et la liaison ave Gene Tierney n'aura pas de suite.

Car le prince, sans doute fatigué de la personnalité complexe des stars de cinéma, s'est réfugié dans l'amour calme et apaisant du mannequin parisien le plus célèbre du moment, Bettina. Il l'a rencontrée en 1955, lors d'un bal, mais on dit que le mannequin fétiche de Jacques Fath avait eu l'honneur de présenter à Rita sa robe de mariée... Ali avait-il alors croisé son regard? Durant cinq années, ils donneront au Tout-Paris l'image d:'un couple uni, parfaitement heureux. Bettina est enjouée, facile à vivre, et même l'Aga Khan, avant de s'éteindre en 1957, a donné son accord pour un mariage prochain. Le 12 mai 1960, cette espérance est ruinée.

La disparition du prince Ali est survenue au moment où sa vie prenait un nouveau chemin. A la mort de son père, il avait appris que le vieil homme lui avait préféré, pour lui succéder, son petit-fils, Karim. L'effet de stupeur passé, Ali avait respecté la décision de l'Aga Khan, sans faire de commentaire. Soucieux de montrer que sous des dehors mondains, il se sentait aussi responsable de la communauté ismaélienne, il avait même accepté de prendre le poste d'ambassadeur du Pakistan auprès des Etats-Unis. Une nouvelle conduite, une épouse discrète et aimante, Ali souhaitait prouver au monde que son étiquette de prince de la jet set avait vécu. Le destin en décida autrement.

Eric Jansen


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