02/092003 - 09:32
DOUCHANBE, 2 sept (AFP) -

Pour l'eau, des Tadjiks font plus confiance à l'Aga Khan qu'à l'ONU

Les fontaines de Douchanbe, la capitale tadjike, ont célébré ces trois derniers jours le déroulement, sous l'égide de l'ONU, d'un forum sur la crise de l'eau, mais nombre de Tadjiks, notamment parmi les musulmans ismaéliens, font surtout confiance à leur chef spirituel, l'Aga Khan, pour résoudre le problème.

Dévastée par une guerre civile dans les années 1990, l'ancienne république soviétique d'Asie centrale a fait bonne figure pour accueillir le forum consacré aux problèmes de désertification et des maladies infectieuses transmises par l'eau, qui s'est clos lundi soir.

Mais dans ce pays où l'eau est jugée impropre à la consommation dans 45% des écoles, selon un récent rapport de l'ONU, les habitants ont exprimé peu de confiance dans la capacité du forum à régler la question.

Dans un complexe d'habitation délabré de la capitale, des centaines de familles dépendent d'une canalisation à même la rue pour pallier l'approvisionnement irrégulier en eau. Elles rendent ce système responsable des problèmes de santé comme la typhoïde, la diphtérie et les diarrhées.

"Est-ce que le forum va nettoyer notre eau ?" s'interroge Ramzija, une habitante, avant d'elle-même répondre que "non. Notre gouvernement ne pense pas à la vie que nous menons".

Dans un forum critiqué pour la sous-représentation de ceux qui souffrent des carences du système, c'est l'arrivée de l'Aga Khan qui a fait sensation, notamment chez ses partisans.

Une foule l'attendait à l'inauguration d'un centre culturel ismaélien dans la capitale, louant le Réseau de développement portant son nom qui a aidé de nombreux Tadjiks pendant les années 1990.

Quelque 200.000 des 6,5 millions de Tadjiks, vivant essentiellement dans la région montagneuse du Gorny Badakhchan, sont de confession ismaélienne, une secte chiite qui a des pratiquants dans au moins 20 pays.

"Sans son aide, nous serions tous morts, il a nous a donné de la nourriture, des médicaments, l'éducation, tout", affirme Mouslim, un ingénieur.

Avec ses amis, il juge sévèrement le forum de l'ONU.

"Ils mettent en route les fontaines pour la conférence", déclare Masrour, professeur d'anglais, "mais nous n'avons pas d'eau à la maison".

Le président tadjik Emomali Rakhmonov a admis publiquement l'ampleur du problème au cours du forum. "Il est nécessaire de prendre des mesures urgentes pour approvisionner la capitale en eau potable et atténuer la crise actuelle", a-t-il déclaré.

La crise est telle que 43% de la population tadjike n'a pas accès à l'eau courante et que 16% de l'eau alimentant la capitale n'est pas traitée, selon un rapport des Nations unies. Douchanbe a ainsi connu de graves épidémies de fièvre typhoïde entre 1997 et 2001.

Au forum, de nombreux délégués ont mis en doute l'efficacité même de cette réunion pour régler les problèmes du pays, ou celui plus large de l'assèchement progressif de la mer d'Aral, qui touche l'Ouzbékistan et le Kazakhstan voisins.

La mauvaise gestion, héritée de l'URSS, de l'eau alimentant cette mer a laissé une étendue désertique de 400.000 km2, empoisonnée de sels et de restes de pesticides qui menacent la santé de trois millions d'habitants.

Le problème pour les cinq pays de la région (Tadjikistan, Ouzbékistan, Kazakhstan, Turkménistan, Kirghizstan) est qu'en matière de coopération "ils en sont au mieux au tout début", selon Margaret Catley-Carlson, qui dirige le centre de réflexion Global Water Partnership.

Pour elle, le message de l'Aga Khan incitant à l'implication et à l'éducation à la gestion de l'eau des populations locales est une des clefs en vue de résoudre le problème.

L'Aga Khan a plaidé au forum pour l'expérience menée dans les montagnes du Gorny Badakhchan (sud-est du Tadjikistan), en expliquant : "les gens des montagnes sont perçus comme un problème, mais avec un soutien et une assistance, ils peuvent faire partie de la solution".